Alors que le Japon bat chaque année son propre record de présence de touristes, il ne fait aucun doute qu’une partie de ces nouveaux visiteurs est attirée par l’ambiance particulière du Tokyo de la fin du XXe siècle. Cela explique en partie le succès de lieux comme les quartiers de bars de type Yokochō à Shinjuku, Shibuya ou Shinbashi, ou encore l’intérêt pour les vieilles galeries marchandes que l’on trouve encore à Ueno ou Nakano.
Mes terrains au Japon m’ont amené à découvrir un lieu auquel les aficionados du Tokyo des années 1960-80 n’auraient pas forcément pensé pour leurs promenades nostalgiques : la galerie commerciale qui se trouve sous la rédaction du quotidien Mainichi Shinbun. Cette dernière se situe juste en face du palais impérial, à côté du musée d’art moderne de Tokyo. Le point d’accès le plus rapide est la station de métro Takebashi, sur la ligne Tōzai. On peut aussi s’y rendre en marchant depuis la station Ōtemachi.
Je vais essayer de faire une petite présentation de ce lieu dans cette page, clichés photographiques à l’appui. Pour commencer, un mot sur l’histoire de l’immeuble. Officiellement, le bâtiment se nomme “Palace Side Building” パレスサイドビルディング. Il a été construit en 1966 par l’entreprise Nikken Sekkei, d’après une conception que l’on doit à Hayashi Shōji (architecte japonais renommé qui est à l’origine de plusieurs immeubles connus, dont le San-Ai Dream Center, à Ginza). Il est aujourd’hui géré par l’entreprise Mainichi Building, filiale du groupe Mainichi en charge du patrimoine foncier de l’entreprise.
S’il s’agit d’un prototype d’immeuble de bureaux encore rare dans le Tokyo des années 1960, il semble qu’il ait été pensé dès sa conception comme un lieu intégrant des activités commerciales (c’est ce que nous apprend cette brève page rédigée un architecte vivant à Tokyo). Les fans d’architecture y trouveront également leur compte. L’immeuble a d’ailleurs remporté plusieurs titres au cours de son histoire.
Dès le départ, le Mainichi Shinbun est à l’origine du projet de construction, avec le soutien de la banque Sanwa et du magazine américain Reader’s Digest. Il déplace sa rédaction dans ses nouveaux locaux en 1966, quittant ainsi son ancien siège situé à Yūrakuchō. Jusqu’en 2003, les sous-sols de l’immeuble accueillaient également une imprimerie qui s’occupait de produire l’édition tokyoïte du quotidien. Le coût de construction très important de l’immeuble va contribuer aux difficultés financières que va connaitre le quotidien entre la fin des années 1960 et le début des années 1970.
Pour les personnes qui souhaiteraient en savoir plus sur l’histoire de cet immeuble et de sa construction, voici la référence d’un livre très riche en informations sur le sujet : 杉山隆男, 「メディアの興亡」, 東京, 文藝春秋, 1986, 676 p.
Petite promenade en photos
Commençons ici notre balade (pour les lecteurs dont le niveau de motivation aurait déjà chuté, je vous recommande tout de même de lire les commentaires jusqu’à la fin. Une information utile et peu connue du grand public est accessible en allant au bout de la page).
Vue d’ensemble de l’immeuble, du côté de l’entrée ouest.
Vue d’ensemble de l’immeuble par le côté est.
Façade de l’immeuble lorsqu’on le longe par la partie sud. Le palais impérial se trouve de l’autre côté de la route, sur la droite.
Entrée principale du côté ouest de l’immeuble.
Vue d’ensemble du couloir principal au premier étage en arrivant par l’ouest. On y trouve un convenient store, plusieurs cafés, et différents autres commerces.
Escalier qui permet d’accéder au sous-sol à partir du premier étage (depuis l’entrée est).
Près de l’entrée ouest, un monument qui rappelle la gloire passée du journal durant la première partie du XXe siècle. Alors que les grands quotidiens se lançaient dans la course à la couverture de l’ensemble de la planète, les journaux japonais ont largement participé au développement de l’aviation dans le pays. Cette plaque commémore le tour du monde réalisé en 1939 par un avion du quotidien, au bout de 56 jours (194 heures de vol) et près de 53 000 kilomètres parcourus). Sur la partie droite, on peut lire les noms des deux publications qui composent alors le groupe : le Tōkyō Nichi Nichi Shinbun à Tokyo, et l’Ōsaka Mainichi Shinbun, à Osaka.
Accueil rappelant aux visiteurs qu’ils se trouvent dans l’immeuble du quotidien. Dans mes souvenirs, il y a eu une période où des personnes y travaillaient.
Office du Mainichi Bunka Center. On peut y trouver des informations à propos des nombreuses activités culturelles organisées par l’entreprise de presse.
Toujours dans les couloirs du 1er étage.
Vue d’ensemble du couloir principal au premier étage en arrivant par l’est.
Autre vue du couloir principal.
Ce petit café de type Kissaten 喫茶店 mérite d’être trouvé, car il est caché dans un couloir parallèle au couloir principal. L’ambiance y est autrement plus “rétro” que dans les tristes chaînes accessibles dès que l’on rentre dans l’immeuble. Je vous recommande plutôt de l’essayer si vous décidez de venir faire un tour dans l’immeuble.
L’étage du dessous est principalement occupés par des restaurants.
Toujours dans la galerie des restaurants.
Si comme moi vous appréciez la cuisine chinoise au Japon (généralement 中華料理, en distinction à la cuisine chinoise traditionnelle appelée 中国料理), vous serez forcément tenté par ce petit restaurant dont les différents plats de présentation en plastique sont sans aucun doute d’époque !
De quoi donner un peu plus envie.
Escalier principal à partir de l’entrée Est de l’immeuble.
Pierre commémorative des débuts des travaux de construction de l’immeuble en 1966.
Plaques rappelant les différents prix d’architecture remportés par l’immeuble.
Autre publicité faisant état des différents prix gagnés par le bâtiment.
Lorsqu’on a l’escalier du dessous dans le dos, il est possible de voir l’un des bâtiments du palais impérial de l’autre côté de la rue.
Comme très souvent dans les immeubles des journaux japonais, on y trouve des panneaux sur lesquels il est possible de lire les éditions du jour des différentes publications éditées par le groupe de presse.
Toujours devant les panneaux de lecture.
On trouve également un bureau de poste au premier étage de l’immeuble.
Un des symboles de l’époque : les deux tours blanches qui se trouvent aux extrémités de l’immeuble contiennent de très nombreux ascenseurs qui donnent un peu l’impression d’entrée dans un vaisseau spatial tiré d’un film de science-fiction de l’époque.
Un couloir dans la partie souterraine du bâtiment. On y trouve plusieurs restaurants et d’autres commerces.
Toutes les personnes qui viennent au Japon connaissent la fameuse chaine de café Doutor. Celui-ci, bien caché dans le sous-sol de l’immeuble, garde un côté “rétro” qui le distingue des autres cafés du groupe que l’on trouve à tous les coins de rue.
Un petit barbier qui donne aussi l’impression d’avoir toujours été là.
Un couloir, toujours dans la partie souterraine de la galerie commerciale. On y distingue un cabinet de dentiste, une pharmacie et une supérette.
Façade d’une petite boutique située dans le sous-sol de l’immeuble.
Présentoir de livres publiés par la maison d’édition du journal.
Si vous venez faire un tour dans les galeries de l’immeuble, vous serez peut-être ce type de publicité à destination des touristes. Contrairement à mes premières visites il y a plus de dix ans, la présence des touristes est évidemment beaucoup perceptible aujourd’hui. Les gestionnaires de l’immeuble souhaitent sans aucun doute bénéficier de la proximité du lieu avec le palais impérial et le musée d’art moderne de Tokyo pour attirer les visiteurs dans ces restaurants.
L’immeuble est accessible directement en arrivant par la station de métro Takebashi, sur la ligne Tōzai.
Comme très souvent, il y a des indications dans la gare mentionnant le fait que les locaux du journal sont proches, preuve de l’importance historique du quotidien.
Petit bonus
À la fin de mon dernier séjour, j’ai appris l’existence d’un espace ouvert sur le toit de l’immeuble. Le toit est en effet accessible au public jusqu’à 15h, chaque jour de la semaine (je ne sais pas ce qu’il en est pour le weekend). Pour accéder au toit, il faut prendre l’un des ascenseurs de la tour est du bâtiment, et monter jusqu’au 9ème étage. De là, il reste quelques marches à grimper pour arriver aux portes automatiques du belvédère. À noter également que l’accès au toit est fermé lorsque la météo est trop mauvaise (ce qui était le cas le jour où j’ai pris cette photo…).
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante : César Castellvi (20 août 2024). Retour vers le Tokyo de la période de haute croissance économique : promenade dans la galerie commerciale du siège du Mainichi Shinbun à Takebashi. Médias et espace public dans le Japon contemporain. Consulté le 7 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/126kz