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Découvrir et s’initier à la sociologie

À qui s’adresse cette page ?

L’objectif de cette page est de proposer des outils de découverte et d’initiation à la sociologie, destinés aux étudiants dont le cursus principal ne s’inscrit pas dans cette discipline, mais qui s’y intéressent (je pense notamment aux étudiants en études japonaises qui suivent mes cours).

Chaque année, je constate que de nombreux étudiants s’intéressent à la sociologie, sans toutefois avoir réellement l’occasion de comprendre précisément la nature de cette discipline. Les cursus en études japonaises, combinant l’apprentissage de la langue et la nécessité de développer une culture générale sur un pays nouveau, rendent difficile, en tout cas durant les premières années, la maîtrise d’une discipline académique exigeante comme la sociologie.

Je vous propose donc de débuter cette initiation en explorant une sélection de ressources ludiques et accessibles en ligne, conçues pour vous accompagner dans cette démarche. Comme toutes les pages destinées aux étudiants sur ce Carnet, celle-ci sera mise à jour petit à petit.

Pour se faire une idée

Pour explorer le sujet et vous faire une première idée, il est aujourd’hui courant de proposer des vidéos explicatives, qui pourraient servir à briser la glace. Voici une sélection de contenus qui m’ont semblé particulièrement pertinents. Ils vous aideront à mieux comprendre ce qu’est (ou n’est pas) la sociologie, à la fois comme mode de pensée et comme discipline académique.

Le YouTubeur Sociogeek s’est donné pour mission d’initier son public à la sociologie à travers différentes thématiques. Il aborde des auteurs classiques (Pierre Bourdieu, Norbert Elias, Mark Granovetter), des objets emblématiques de la sociologie (la mode, le sport) et propose même une immersion dans les coulisses du métier de sociologue. Parmi ses vidéos, un reportage particulièrement intéressant revient sur le dernier congrès de l’Association française de sociologie, tenu à Lyon en 2023.

Voici d’abord le lien vers sa chaîne YouTube : https://www.youtube.com/@sociologeek4205

Pour commencer, pourquoi ne pas débuter par sa vidéo “qu’est-ce que la Sociologie” ?

Sur un ton humoristique, cette vidéo proposée par le média Blast Info peut être un très bon début aussi (merci à mon collègue Arnaud Grivaud de me l’avoir présentée) :

Et enfin, pourquoi ne pas se laisser expliquer ce qu’est la sociologie par l’un de ses plus grands représentants (en tout cas en France), Pierre Bourdieu lui-même ?

Ce que peuvent nous apprendre les fictions

Les grands concepts de la sociologie sont souvent des notions abstraites, parfois difficiles à appréhender. Pourtant, les fictions (films, romans, théâtre, bandes dessinées…) peuvent jouer un rôle précieux : si elles ne permettent pas toujours de saisir pleinement ces concepts, elles peuvent au moins en offrir une première approche.

L’un de mes sociologues favoris, Howard S. Becker, admettait que la lecture régulière de bons romans constituait pour lui un bien meilleur outil que de nombreuses recherches pour comprendre le social et ses mécanismes. Je partage cet avis, bien qu’il soit difficile de faire l’impasse sur l’apprentissage de quelques grandes théories et concepts fondamentaux.

Pour l’instant, je me contenterai de vous présenter ici une sélection d’outils et d’œuvres qui pourront vous aider à mieux saisir la richesse de cette discipline.

Pour les fans de cinéma, il faut absolument visiter la plateforme Sociofiction : https://fictionsocio.fr
Voici le descriptif du site Internet :

Ce site a été conçu comme une base de données pédagogique répertoriant des extraits vidéos permettant d’illustrer des concepts de la sociologie. Chaque extrait vidéo – d’œuvre cinématographique, télévisuelle ou série – est associé à un ou plusieurs concepts sociologiques ou sociologues par le biais d’une notice et de mots-clés. Vous pouvez faire votre recherche en entrant le nom d’un concept ou d’un.e sociologue”.
Source : https://fictionsocio.fr

Un petit moteur de recherche vous permet de découvrir les contenus du site en passant soit par des concepts (capital culturel, domination, genre, rapports de classe), soit par des auteurs (aussi bien classiques que contemporains) et bien sûr les oeuvres en question (les films Titanic, Parasite, ou encore la série The Bear)

Et pour commencer, pourquoi ne pas vous lancer en regardant cette page qui nous présente ce que le Film de Song Joon Ho peut nous aider à comprendre sur la violence symbolique et les rapports de domination ? C’est par ici => https://fictionsocio.fr/2019/07/20/parasite/

Dans un autre style, j’apprécie beaucoup les bandes dessinées inspirées de classiques des sciences sociales qui aident à découvrir le contenu de ces livres de façons ludiques et amusantes.

Parmi les publications récentes, voici quelques recommandations :

Rivière Tiphaine, La Distinction : librement inspiré du livre de Pierre Bourdieu, Delcourt, 2023, 296 p.

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une bande désignée qui présente les principaux enseignements du livre classique de Pierre Bourdieu, La Distinction : critique sociale du jugement (Les Éditions de Minuit, 1979) en délivrant la vie de jeunes étudiants qui vivent dans la France contemporaine.

Génot Pascal, Bourdieu, une enquête algérienne, Paris, Steinkis, 2023, 244 p.

Ce livre est un ouvrage particulier. Il ne présente pas une théorie spécifique, mais retrace les années durant lesquelles Pierre Bourdieu effectue son service militaire en Algérie, dans les années 1950. L’ouvrage est doublement passionnant : d’une part, il offre un aperçu de la vie que Bourdieu menait à cette époque charnière de l’histoire algérienne ; d’autre part, il montre comment il a progressivement délaissé la philosophie pour s’orienter vers la sociologie. Ce passage s’est opéré alors qu’il rattrapait son retard dans cette discipline en s’immergeant dans une société qui n’était pas la sienne et dont il tentait de déchiffrer les mécanismes de fonctionnement.

Et les livres, évidemment

J’aurais peut-être dû commencer par là, mais j’ai souvent l’impression que proposer des lectures dès le départ pour découvrir la sociologie n’est pas toujours la méthode la plus efficace pour mes étudiants. Cela dit, si l’on me demande quelle a été la technique la plus utile pour comprendre cette discipline et ce qu’elle apporte à la réflexion sur l’organisation des sociétés, je répondrais sans hésiter : les livres. Pour moi, ils restent la meilleure porte d’entrée.

Je vous propose ici une petite présentation des ouvrages qui m’ont permis de découvrir la sociologie et, surtout, qui m’ont donné le courage “d’oser” explorer ce domaine, malgré mes connaissances initiales très limitées.

Berger Peter, Invitation à la sociologie, Paris, La Découverte, 2014, 256 p.

Ce livre n’est pas le premier ouvrage de sociologie que j’ai lu, mais c’est le premier qui m’a réellement aidé à comprendre ce qu’est cette discipline. Peter Berger, sociologue américain ayant consacré une grande partie de sa carrière à l’étude des religions, en est l’auteur. C’est grâce à une recommandation de Florent Champy, le chercheur qui m’a encadré en master et en doctorat, que je l’ai découvert.

Il s’agit d’une traduction française d’un livre publié en anglais en 1963, réédité avec une postface originale en 1992, ainsi qu’une préface spécialement destinée au public français. Peter Berger y explique, avec clarté et humour, ce que la sociologie n’est pas, ce que le travail de sociologue n’est pas, mais surtout ce qu’est la pensée sociologique. Il aborde quelques grands courants, des auteurs classiques et les bases essentielles de cette discipline.

Je dirais que ce livre a renforcé ma confiance en moi à un moment où je doutais encore de mes capacités à mobiliser la sociologie dans mes futures recherches.

Becker S. Howard, Les ficelles du métier, Paris, La Découverte, 2002, 360 p.

Ce livre présente des similarités avec celui de Peter Berger, tout en ayant un objectif distinct. Il s’agit d’un classique incontournable pour de nombreux étudiants en sociologie, également traduit de l’anglais. Publié en 1998 sous le titre Tricks of the Trade, cet ouvrage se concentre davantage sur les conseils pratiques destinés aux apprentis chercheurs (et pas seulement à eux !) pour les aider à mener leurs propres recherches.

L’auteur propose des solutions simples à des problèmes courants en sciences sociales : comment passer d’une étude de cas à une généralisation, comment choisir le concept le plus approprié parmi les nombreux outils disponibles, et bien d’autres astuces. Ces stratégies sont appelées “ficelles”, ce qui explique le titre de l’ouvrage.

Le parcours biographiques des sociologues

Sans doute plus que de livre des ouvrages d’introduction à la sociologie, une méthode qui m’a aidé à mieux comprendre cette discipline a été de découvrir les parcours de vie des auteurs que j’aimais lire. Le choix de la sociologie (comme de toute autre discipline, d’ailleurs) est toujours le fruit d’expériences, de rencontres et de choix personnels. On comprend souvent mieux une œuvre, qu’il s’agisse d’un livre ou d’une création artistique, lorsqu’on sait ce qui se passait dans la vie de son auteur au moment de sa conception.

Ainsi, pour mieux saisir le regard singulier d’Howard Becker sur la vie sociale, ou les raisons qui l’ont poussé à choisir des objets de recherche quelque peu originaux pour son époque (comme l’art, la déviance ou le jazz), il est utile d’en apprendre davantage sur sa jeunesse dans le Chicago des années 1940. Par exemple, la manière dont il gagnait sa vie en jouant du piano dans des clubs, ou son intérêt personnel pour la photographie, éclaire certains aspects de ses travaux. Parmi les livres de ce genre qui m’ont marqué et qui m’ont aidé à mieux comprendre les travaux de quelques sociologues célèbres, voici quelques lectures qui m’ont particulièrement impressionné :

-Berger Peter L., Adventures of an Accidental Sociologist: How to Explain the World Without Becoming a Bore, Amherst, Prometheus Books, 2011, 264 p.
-Boltanski Luc, Esquerre Arnaud et Lazarus Jeanne, Comment s’invente la sociologie: parcours, expériences et pratiques croisés, Paris, Flammarion, 2024, 442 p.
-Elias Norbert, Norbert Elias par lui-même, Paris, Fayard, 1991, 184 p.
-Raveau François et Mollard Michel, Je suis le chat qui va tout seul : plus jeune résistant déporté une vie pour comprendre entretiens avec Michel Mollard, Paris, Presses de la Cité (coll. « Documents »), 2017, 300 p.
-Touraine Alain, Un Désir d’histoire, Paris, Stock (coll. « Les Grands auteurs »), 1977, 275 p.
-吉見俊哉, 『さらば東大 越境する知識人の半世紀』, 東京, 集英社, 2023, 304 p.

Une discipline exigeante, mais dont on ne peut plus se passer quand on s’y met !

Si cela peut rassurer certains ou certaines, j’ai moi-même mis beaucoup de temps à comprendre en quoi consiste réellement la sociologie. À mon époque, c’est-à-dire à la fin des années 2000, les ressources accessibles n’étaient probablement pas aussi nombreuses qu’aujourd’hui. J’ai donc dû lire, discuter, assister à des conférences, et pratiquer un peu moi-même avant que les choses ne deviennent plus claires (mais je suis certain que vous serez plus rapides que moi).

Un deuxième point pour vous motiver : votre connaissance de la société japonaise constitue un véritable atout pour développer votre regard sociologique. Pourquoi ? Parce qu’elle vous permet de comparer, au moins à un niveau de base, deux contextes : la société française et la société japonaise. C’est cette capacité à comparer qui vous aidera à identifier des éléments surprenants lorsque vous vous intéressez au Japon. Par exemple, vous remarquez probablement spontanément que les rapports à l’école ou au travail ne fonctionnent pas de la même manière qu’en France.

Cependant, attention : le but de la sociologie n’est pas de vous amener à conclure que “le Japon est spécial parce que a+b+c…”. L’objectif est plutôt de vous faire prendre conscience qu’à situation ou problème égal, les solutions adoptées par chaque société peuvent varier, sans qu’il soit question d’établir une hiérarchie ou de juger l’une meilleure que l’autre.